La juridiction judiciaire vient de répondre à la question de savoir si en présence de droits démembrés, il y a lieu, pour déterminer la part nette revenant à chaque ayant droit afin d'asseoir les droits de mutation dus par chacun, de déduire le passif successoral de la seule part du nu-propriétaire ou, comme le soutient l'administration fiscale, de l'actif brut successoral.
L'article 777 du Code Général des Impôts dispose que « les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux, pour la part nette revenant à chaque ayant droit ».
L'article 768 du même code prévoit que pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Rappel des faits :
M. FX est décédé laissant pour lui succéder :
La déclaration de succession qui a été déposée le 2 septembre 2014 et enregistrée le 3 décembre 2014 au SIE prévoit que la totalité du passif de la succession a été imputée sur la part du nu-propriétaire CX, tenu au paiement de droits à hauteur de 7 185 €.
Estimant que, par application des dispositions de l'article 870 du code civil, le passif de la succession aurait dû être réparti entre les 2 héritiers universels, l'administration fiscale a notifié à M. CX une proposition de rectification portant sur les droits d'enregistrement.
M. CX a contesté le redressement envisagé mais l'administration fiscale a rejeté les observations du contribuable, maintenu la rectification et délivré un avis de mise en recouvrement le 30 mars 2018.
Après s'être acquitté des causes du redressement, M. CX formé une réclamation contentieuse qui a été rejetée le 17 septembre 2018.
M. CX a fait assigner l'administration fiscale devant le TGI de Dijon afin de voir dire que la totalité du passif de succession de feu M. FX est imputable sur sa part en qualité de nu-propriétaire,
Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a fait droit à la demande de M. CX précisant que la totalité du passif de succession de M. FX est imputable sur la part de l'héritier nu-propriétaire. L'administration fiscale a fait appel de la décision.
La Cour d'appel de DIJON vient de débouter l'administration fiscale de sa demande.
L'administration fiscale soutient que la totalité du passif de succession doit être affectée à l'actif brut de la succession et non uniquement sur la part de M. XC.
« Si le calcul des droits en toute propriété du conjoint survivant est régi par les dispositions de l'article 758-5 du code civil, le calcul des droits en usufruit du conjoint survivant n'est plus régi par les dispositions de l'article 767 du code civil, citées par l'administration fiscale, celles-ci ayant été modifiées le 1er juillet 2002.
Au demeurant ces dispositions visent à calculer les droits du conjoint survivant sur la masse successorale mais ne traitent aucunement de la contribution de ce dernier au passif successoral.
Il est constant, en l'espèce, que Mme EX a opté pour la totalité de l'usufruit de la succession.
Au terme de l'article 870 du code civil, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend.
Selon l'article 873 du code civil, les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale et hypothécairement pour le tout.
Il en résulte que chaque héritier ne doit contribuer au passif que dans la proportion de la part d'actif qu'il recueille.
C'est à juste titre que les premiers juges en ont déduit que l'assiette de la taxation doit tenir compte de la seule part nette qui sera perçue par chacun des ayants droits c'est à dire après déduction de la charge du passif qui sera effectivement supportée par chacun des bénéficiaires.
Ils ont, par une motivation pertinente, que la cour adopte, considéré que lorsque la vocation successorale de chacun des héritiers est, comme en l'espèce, différente, la contribution de chaque héritier doit tenir compte à la fois de l'étendue et de la nature de ses droits.
Or, la contribution aux dettes de l'usufruitier est prévue par les articles 605 et suivants du code civil, à savoir les réparations d'entretien, les charges annuelles du bien et les intérêts qui pèsent sur le bien.
L'article 612 du code civil précise que « l'usufruitier, ou universel, ou à titre universel, doit contribuer avec le propriétaire au paiement des dettes ainsi qu'il suit :
Si les dispositions de l'article 612 du code civil s'appliquent non seulement aux dettes laissées par le défunt, mais encore aux charges de la succession (tels les frais de scellés et d'inventaire, les frais de demande en délivrance des legs, le paiement des legs particuliers), le droit de mutation par déc ès dû à raison de la transmission de la nue-propriété n'en relève pas comme n'étant pas une dette du défunt, ni une charge à laquelle l'usufruitier doit contribuer.
En revanche, il se déduit des dispositions de l'article 612 du code civil que l'usufruitier n'est pas tenu au passif successoral mais seulement aux intérêts de ce passif, qui dès lors qu'il incombe globalement au nu propriétaire, doit être déduit de sa part pour déterminer l'assiette des droits de mutation dont il doit s'acquitter.
Si la pratique de l'administration fiscale (BOI ENR-DMTG-10-50-10 du 11 avril 2016), au terme de laquelle la part nette revenant aux ayants droit tenus au paiement proportionnellement à leur émolument est déterminée en diminuant le montant total des dettes de l'actif successoral, trouve à s'appliquer en présence d'héritiers ayant des droits de même nature, il en va différemment lorsque les droits sont démembrés comme en l'espèce. »
La Cour a ainsi jugé que c'est de manière parfaitement justifiée que les premiers juges ont considéré que les dettes successorales devaient être déduites de la seule part du nu-propriétaire de sorte que la rectification opérée était infondée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a annulé la décision de rejet et dégrevé M. [X] des impositions supplémentaires mises à sa charge.
Source : ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE DIJON DU 5 SEPTEMBRE 2023, N° 21/00745
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