Opération de LBO garantissant la réalisation d’une plus-value : attention à la requalification en salaire

Mardi 23 novembre 2021

Les gains nets retirés par une personne physique lors de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers (Art.150-0 A du Code Général des Impôts), y compris lorsque ces titres ont été acquis ou souscrits auprès d'une société dont le contribuable était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe.

Il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit essentiellement être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d'investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires ( Art. 79 et 82 du Code Général des Impôts).

Rappel des faits

En juin 2004, dans le cadre d'une opération de LBO, le fonds d'investissement britannique, LC a acquis, par l'intermédiaire de la société ML Hodlco, société de droit luxembourgeois créée à cet effet, la totalité des parts de la SAS HM, à la tête du groupe M dont les entreprises opérationnelles ont pour activité la fabrication et la commercialisation de compotes de fruits, confitures et biscuits.

Il a été proposé à des cadres dirigeants du groupe de participer à cette opération en investissant dans le capital de la SAS HM par l'intermédiaire d'une société, la SAS M et Cie qui a été créée spécialement à cet effet, le 31 août 2006.

Les 3 et 6 octobre 2006, l'AG de la SAS M et Cie a décidé d'augmenter son capital social en numéraire par l'émission d'actions ordinaires d'une valeur d'un euro chacune au profit de personnes dénommées, permettant ainsi à la société de souscrire à 2 030 050 bons de souscription d'action (BSA) émis le 3 octobre 2006 par la SAS HM pour un prix de 0,10 euro par BSA.

M. B directeur d'usine au sein de la SAS M a ainsi acquis 20 300 titres de la SAS Met Cie.

Le 19 janvier 2007, la société Ma Holdco a acheté, aux cadres dirigeants, l'intégralité des titres de la SAS M et Cie au prix unitaire de 9,667 €.

À la suite d'un contrôle portant sur les revenus de l'année 2007 de l'intéressé, après avoir estimé qu'aucun élément ne mentionnait la cession des titres litigieux, l'administration a regardé les gains résultant de cette opération, comme une rémunération supplémentaire occulte imposable entre les mains du requérant au titre des revenus en capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 111-c du Code Général des Impôts.

Par un jugement du 23 octobre 2018, le TA de Lyon, après avoir fait droit à la demande de substitution de base légale formulée par le ministre visant à maintenir les impositions en litige au titre des traitements et salaires sur le fondement des articles 79 et 82 du Code Général des Impôts), a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles l'intéressé a été assujetti au titre de l'année 2007 et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 18LY04724 du 19 décembre 2019, la CAA de Lyon a rejeté l'appel de M. B.

M A s'est pourvu en cassation.

Le Conseil d'Etat vient de rejeter le pourvoi de M.A.

Il en résulte que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au motif que les cadres du groupe M avaient bénéficié, dans des conditions avantageuses trouvant essentiellement leur source dans l'exercice de leurs fonctions de salarié, d'un mécanisme leur garantissant le prix de cession de ces titres, que le gain réalisé par M. A…​ à l'issue de cette cession constituait un avantage en argent devant être imposé dans la catégorie des traitements et salaires, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'aucun lien de subordination direct n'existait entre celui-ci et la société M Luxembourg Holdco, cessionnaire.

Validant les arguments de la juridiction d'appel, le Conseil d'Etat rappelle :

  • que cette opération de LBO avait été retracée dans un pacte d'actionnaires qui encadrait les conditions de cession des titres de la SAS M et Cie acquis le même jour, en accordant notamment à la société M Holdco un droit de préemption des titres acquis par chacun des cadres salariés du groupe M en cause, une obligation de cession ainsi qu'une promesse de vente en cas de départ sans faute de chacun d'entre eux.
  • que ce pacte trouvait sa logique dans l'existence d'une plus-value sur le point d'être réalisée par LC et dans le rachat imminent de la société détenant les bons de souscription par la société M Holdco.
  • que les BSA avaient été acquis à un prix inférieur à leur valeur, garantissant la réalisation d'une plus-value lors de leur cession, 3 mois plus tard, par la société les détenant ;
  • que le pacte d'actionnaire prévoyait qu'en contrepartie de l'acquisition des titres litigieux, les investisseurs, cadres salariés du groupe Materne, s'engageaient à exercer loyalement leurs fonctions opérationnelles avec un éventuel cessionnaire trouvé par la société M Holdco et à souscrire une clause de non-concurrence.

Source : Arrêt du Conseil d'État du 17 novembre 2021, n°439609

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