Usufruitier et qualité d'associé

Lundi 17 janvier 2022

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre un avis dans lequel, elle considère que l'usufruitier de parts sociales ne peut pas se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais qu'il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

Si l'on savait déjà que le nu-propriétaire de parts sociales ou d'actions a la qualité d'associé (Cass. com. 4-1-1994 n° 91-20.256 P : RJDA 5/94 n° 526), c'est la première fois qu'est clairement déniée à l'usufruitier cette qualité.

La Cour de cassation s'est fondée sur l'article 578 du Code Civil – et donc sur le critère de la propriété des droits sociaux – pour justifier sa solution. Rappelons qu'aux termes de cet article « l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ».

Refuser la qualité d'associé à l'usufruitier de droits sociaux ne signifie pas pour autant lui refuser tous les droits attachés à cette qualité. L'usufruitier dispose en effet, en vertu de la loi, de certains droits en principe réservés à l'associé, tels que le droit de vote pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices (C. civ. art. 1844, al. 3) ou encore le droit de participer aux décisions collectives (art. 1844, al. 1), ce qui implique le droit d'être convoqué aux assemblées, d'y prendre part et d'y exprimer son avis, après avoir reçu les informations communiquées aux associés.

La Cour de cassation précise que l'usufruitier dispose également du droit de provoquer une délibération susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales. Ce droit aurait pu être limité aux seules décisions pour lesquelles le droit de vote est réservé à l'usufruitier mais la Cour de cassation a choisi un critère plus large, l'incidence directe sur le droit de jouissance. Par exemple, dans l'affaire ayant donné lieu à la demande d'avis formulée par la troisième chambre civile, il était question de savoir si un usufruitier de parts sociales d'une société civile pouvait provoquer une délibération tendant à la révocation du gérant et de son successeur. Tel pourrait être le cas si l'on considère que cette révocation est susceptible d'avoir une incidence directe sur les bénéfices de la société, mais pas nécessairement si cette révocation est justifiée par le non-respect de certaines dispositions légales.

Précisons enfin que le droit ainsi reconnu à l'usufruitier de provoquer une délibération des associés est fondé sur l'article 39, al. 1 et 3 du décret 78-704 du 3 juillet 1978, qui permet à un associé non-gérant d'une société civile de demander au gérant de consulter les associés sur une question déterminée et, si ce dernier s'y oppose ou garde le silence, de solliciter en justice la désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

Sous réserve que soit en jeu une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance, l'usufruitier de parts sociales ou d'actions pourrait, également se voir reconnaître le droit d'utiliser les mécanismes prévus par le Code de commerce permettant aux associés de sociétés commerciales de provoquer une délibération des associés (C. com. art. L 223-27, al. 4 et 7 pour la SARL ; art. L 225-103, II-2° pour la société anonyme ; art. L 221-6, al. 2 pour la société en nom collectif ; art. L 222-5 pour la société en commandite simple ; art. L 222-5 et art. L 225-103, II-2° sur renvoi de l'art. L 226-1, al. 2 pour la société en commandite par actions).

La question de la répartition conventionnelle du droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire dans les SA

Dans une réponse ministérielle adressée au député Romain Grau, le Gouvernement vient de confirmer que la possibilité de conclure une convention de droit de vote entre le nu-propriétaire et l'usufruitier, prévu par l'article 1844 du Code Civil, ne s'applique pas aux sociétés anonymes.

La question posée par le député R. Grau concernait l'aménagement prévu par l'article 3 de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés aussi appelée Loi « SOILIHI ».

Pour rappel, l'article 3 de la loi « SOILIHI » a clarifié l'alinéa 3 de l'article 1844 du code civil pour y introduire des précisions concernant les droits attachés à des titres démembrés. L'article 3 pose ainsi le principe selon lequel le nu-propriétaire et l'usufruitier ont le droit de participer aux délibérations.

En matière de droit de vote, l'article 1844 alinéa 3 précise désormais que « Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l'usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l'usufruitier. »

Un nu-propriétaire a donc la faculté de déléguer son droit de vote à l'usufruitier sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices.

La question s'est donc posée de savoir si l'aménagement prévu par l'article 3 de la loi « SOILIHI » était applicable à toutes les formes de sociétés dans la mesure où l'article L 225-110 alinéa 1er du Code de commerce n'a pas été modifié par la loi susmentionnée.

En effet, l'article 1844 du Code Civil ne s'applique pas aux sociétés anonymes (SA) et aux sociétés en commandite par actions (SCA) lesquelles bénéficient d'un régime dérogatoire prévu par l'article L 225-110 du Code de commerce. Ce dernier précise que le droit de vote attaché à l'action appartient à l'usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires.

En réponse à la question du député, le Gouvernement vient donc de confirmer que la conclusion d'une convention de droit de vote entre le nu-propriétaire et l'usufruitier n'est pas ouverte pour les SA puisque la répartition de ces décisions n'est pas la même que celle prévue dans l'article 1844.

Source : Cass. com. avis 1-12-2021 n° 20-15.164 FS-D

Source : Le Gouvernement confirme : pas de répartition conventionnelle du droit de vote entre usufruitier et nu-propriétaire dans les SA

Source : RM Romain Grau, JOAN du 11 janvier 2022, question n°40724

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